MONTRéAL EST UNE PLAQUE TOURNANTE DES VOLS DE VéHICULE AU CANADA

MONTRÉAL — Le port de Montréal est devenu une plaque tournante importante pour l'exportation des véhicules volés.

De la mi-décembre à la fin de mars, la police y a inspecté environ 400 conteneurs. Elle y a découvert près de 600 véhicules rapportés volés, la majorité d'entre eux dans la région de Toronto.

Selon les autorités policières, le port est devenu un endroit important pour le crime organisé en raison de son emplacement stratégique et son grand volume de grands conteneurs.

«C'est un très grand port», mentionne Bryan Gast, vice-président, service d'enquête d'Équité Association, un organisme national fondé par des compagnies d'assurances. L'endroit, bien relié par route et par train à la grande région de Toronto où de nombreux vols ont été rapportés, «est idéalement situé» pour les bandes criminelles.

M. Gast explique que les véhicules volés sont placés dans des conteneurs dans la région de Toronto. Ils reçoivent des documents falsifiés, notamment des déclarations de douanes indiquant leur légitimité, avant d'être envoyés vers le port par train ou par camion.

Le gros volume de marchandise qui transite par le port de Montréal est exploité par le crime organisé. L'an dernier, pas moins de 1,7 million de conteneurs y ont été manutentionnés, soit environ 1 million de deux que les deux plus importants ports de la côte est mis ensemble. Selon les autorités portuaires, 70% des exportations légales de véhicules passent par là.

«[Les voleurs] peuvent couler leurs conteneurs dans le flot du transport légal de marchandises exportées à l'extérieur du Canada», dit M. Gast.

Pour les experts, des problèmes de partage d'autorité et un manque de personnel nuisent au travail de répression des policiers.

Une porte-parole du port de Montréal, Renée Larouche, dit que les autorités portuaires collaborent étroitement avec la police et l'Agence des services frontaliers, mais rappelle qu'elles ne peuvent ouvrir des conteneurs que pour sauver la vie d'une personne ou pour empêcher un désastre environnemental.

Plus de 800 policiers provenant de plusieurs corps ont une carte d'accès leur permettant d'entrer dans le port. S'ils ont des mandats, ils peuvent ouvrir des conteneurs, mentionne Mme Larouche. Dans les secteurs contrôlés par l'Agence des services frontaliers, seuls ses agents peuvent fouiller les conteneurs sans avoir obtenu un mandat.

Patrick Brown, le maire de la ville de Brampton, une ville de la région de Peel en Ontario, fortement touchée par le fléau, dit que le manque de vérifications des conteneurs au port de Montréal fait la joie des criminels.

Selon lui, le problème des vols de véhicule est plus important au Canada qu'aux États-Unis parce que les autorités douanières ont de l'équipement leur permettant de vérifier un plus grand pourcentage de conteneurs.

«Le crime organisé refuse de prendre des risques aux États-Unis, avance-t-il. Au Canada, nous examinons moins d'un pour cent des conteneurs.»

M. Brown souhaite que les 28 millions $ récemment annoncés par le gouvernement fédéral pour l'Agence des services frontaliers du Canada servent à acheter immédiatement des scanneurs pour le port de Montréal et deux gares de triage de la région de Toronto. Il ajoute que la police devrait pouvoir entrer dans les secteurs contrôlés par la douane sans obtenir de mandat ou la permission de l'Agence des services frontaliers.

«Les gens qui ont des GPS sur leur véhicule peuvent le retracer dans la gare de triage ou dans le port, mais la police locale ne peut rien faire à ce sujet.»

Depuis le début de l'année, l'Agence des services frontaliers du Canada a saisi 300 véhicules volés dans les gares de triage de la région de Toronto. En 2023, elle avait récupéré 1200 véhicules volés dans le port de Montréal.

L'agence refuse de révéler le pourcentage de conteneurs qui sont vérifiés chaque année. Annie Beauséjour, la directrice régionale pour le Québec, dit que tous les conteneurs signalés par la police sont inspectés par les douaniers.

«Nous aimerions pouvoir vérifier tous les conteneurs quittant le pays, mais malheureusement, ce n'est pas réaliste», dit Mme Beauséjour. Elle ajoute que l'agence ne peut pas non plus ralentir le flot des marchandises.

Selon le syndicat représentant les douaniers, le manque de personne est flagrant dans le port de Montréal. En février, témoignant devant le comité permanent sur la sécurité, le président Mark Weber faisait état de la présence de seulement huit agents des douanes au port de Montréal. Il déplorait aussi le manque d'espace. «Lorsque nous trouvons six véhicules volés, nous devons parfois attendre des jours pour qu'on vienne les récupérer afin que nous puissions en inspecter d'autres», avait-il déclaré.

Le manque de ressource au port de Montréal est typique des autres installations portuaires à l'échelle mondiale, souligne Anna Sergi, une criminologue de l'Université d'Essex au Royaume-Uni.

«[Les agences douanières] portent leur attention sur les importations. Personne ne s'occupe des exportations. On n'investit par dans les exportations parce qu'elles sont le problème de quelqu'un d'autre. Le seul pays qui investit un petit peu, mais seulement un petit peu, dans les vérifications des produits exportés, ce sont les États-Unis.»

La pègre a longtemps été présente sur la façade maritime de Montréal, raconte la Pre Sergi. Le Gang de l'ouest et la mafia ont été longtemps impliqués dans l'importation de drogue en corrompant des douaniers et des débardeurs.

L'inspecteur Dominique Côté, du Service de police de Montréal, dit que le corps n'a aucune information lui permettant de croire que le port de Montréal est infiltré par le crime organisé et que ce serait la raison pour laquelle on y retrouve beaucoup de véhicules volés.

Jacob Serebrin, La Presse Canadienne

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