À QUEL POINT LES TONDEUSES, VTT ET AUTRES APPAREILS à ESSENCE POLLUENT-ILS?

Ce texte est la réponse à la question d’une lectrice envoyée à l’équipe du Courrier de la planète. Pour vous abonner, cliquez ici.

L’arrivée du beau temps signale le retour prochain des pelouses verdoyantes et… des tondeuses. En plus de réveiller les lève-tard la fin de semaine, ces appareils à essence ont aussi un envers gênant : leur production de polluants atmosphériques.

Reconnus pour leur légèreté et leur puissance, les moteurs de ce type se retrouvent dans une foule de véhicules et d’appareils : tondeuses, scies à chaîne et souffleur à feuilles, mais aussi motoneiges, VTT et bateaux.

Non seulement ceux-ci consomment davantage de carburant que les autres moteurs, mais ils émettent aussi beaucoup plus de résidus nuisibles qui participent à la formation du smog, comme le monoxyde de carbone (CO), des particules fines et l’oxyde nitreux (N2O).

Ils sont aussi des émetteurs de gaz à effet de serre. Une étude de 2021 indique que l’ensemble des équipements de jardins motorisés aux États-Unis émettaient chaque année 30 millions de tonnes de CO2, principal responsable des changements climatiques. À titre comparatif, le Québec a émis 79 millions de tonnes de GES en 2022.

Selon le California Air Resources Board (CARB), une agence gouvernementale californienne, une tondeuse à usage domestique équipée d’un moteur à deux temps produit en une heure autant de substances nocives qu’une voiture parcourant 482 kilomètres, soit presque l’équivalent d’un aller-retour Montréal-Québec.

Pour les souffleurs à feuilles, le constat est encore pire : une heure d’utilisation équivaut à un trajet de 1700 kilomètres, la distance pour relier Montréal à Nashville, au Tennessee. On parle toujours ici de tout ce qui concourt à créer du smog, et non pas seulement du CO2.

Le CARB estime que les quelque 15,4 millions d’engins de ce type présents sur le territoire de la Californie émettent davantage de polluants atmosphériques que les 14 millions de voitures personnelles enregistrées dans l’immense État américain.

L’abandon des moteurs à deux temps permettrait-il donc aussi par la bande de réduire les émissions de GES du Québec en… deux temps, trois mouvements ?

« La Californie et le Québec partagent beaucoup de choses, mais pas la température ! Là-bas, le gazon pousse à l’année et les tondeuses sont beaucoup utilisées », met en relief André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).

Selon ce vétéran de la lutte écologiste, cesser d’utiliser ce type de moteur permettrait tout de même de réaliser des gains importants, tant sur le plan des GES que de la santé publique. « On fait une erreur de désolidariser la lutte contre les GES de la lutte contre les polluants atmosphériques. D’autant plus que la pollution atmosphérique envoie chaque année des gens à l’hôpital et au cimetière », dit-il.

Selon Santé Canada, 15 300 Canadiens (dont 4000 Québécois) meurent prématurément chaque année à cause de la pollution atmosphérique.

Une législation à bâtir

Dotée de règles environnementales parmi les plus strictes du continent, la Californie a été la première à légiférer contre les appareils de jardin à essence. Depuis le début de 2024, le Golden State exige que les appareils neufs qui y sont vendus soient « zéro émission », c’est-à-dire fonctionnant à l’électricité. Ce règlement s’appliquera également aux génératrices et aux laveuses à pression en 2028.

Au Canada, le conseil municipal de Vancouver a adopté à l’unanimité en 2022 une motion pour supprimer progressivement les équipements de jardin à essence. Aux dernières nouvelles, la Ville était toujours à étudier les modalités d’application de ce nouveau règlement.

L’AQLPA a produit en 2005 un mémoire qui recommandait notamment de limiter la vente de moteurs à deux temps aux véhicules hors route, mais depuis cette époque, la question est loin d’être sur le radar des politiciens. Et les données sur la question sont rares, déplore André Bélisle. « Les gouvernements se sont concentrés sur les émissions du parc automobile et sur la base industrielle. C’est loin des priorités gouvernementales. Pourtant, on a besoin de limiter les émissions de GES de toute urgence, il faut faire des efforts à tous les niveaux. »

Du côté d’Équiterre, on recommande de pousser la réflexion sur la tondeuse au-delà de la simple électrification.

« [La] première chose qu’il faut viser, c’est la réduction à la source : l’objet le moins polluant et qui émet le moins de GES, c’est celui dont on n’a pas besoin. Il y a donc une réflexion plus large à avoir sur comment on aménage nos terrains et espaces publics, mais aussi sur la nécessité de certains comportements ou encore de certaines normes esthétiques », explique Anthony Côté Leduc, porte-parole de l’organisme environnemental.

« Une pelouse standard coupée par une tondeuse électrique aura probablement moins d’impact que celle coupée par une tondeuse à essence sur le long terme, mais l’aménagement qui compte des plantes nourricières, mellifères et qui ne nécessite que peu ou pas d’entretien avec des appareils, qu’ils soient électriques ou à essence, est autrement plus écologique. »

Et vous, comment entretiendrez-vous votre pelouse cet été ?

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